Paris a livré une cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques pour le moins surprenante. Pour la première fois de l’histoire de JO, la cérémonie n’a pas lieu dans un stade, mais elle a lieu en plein air, utilisant la Seine, ses quais et les monuments parisiens comme décor. Une cérémonie fort grandiose, et qui a pourtant heurté la sensibilité de nombreux téléspectateurs en raison de scènes provocantes. La parodie de la Cène du Christ, mondialement connue grâce à sa représentation faite par Léonard de Vinci, fut l’une de ces scènes suscitant mondialement une grande consternation.
Un problème d’inadéquation avec l’esprit des Jeux Olympiques
» Les Jeux Olympiques sont la seule compétition véritablement mondiale et multisport. Avec plus de 200 pays participant à plus de 400 épreuves entre les Jeux d’Été et d’Hiver, les Jeux sont le seul endroit où le monde se retrouve pour concourir, se sentir inspiré et être ensemble. » peut-on lire sur le site officiel des jeux Olympiques et paraolymiques de Paris. Le témoignage de cet esprit de » vivre-ensemble » est souvent salué par les Papes parce qu’il réunit dans un esprit de cohésion, faite de respect mutuel et conjugure l’esprit de guerre. Le Pape Pie X, d’après les archives vaticanes, fut le premier Pape promoteur des Jeux olympiques. » Dès 1904, Pie X décide d’organiser des olympiades au Vatican avec des courses olympiques, «dans la cour de Belvédère pour un concours de vitesse athlétiques dans les jardins du Vatican, une course cycliste de 100 kilomètres à travers les rues de Rome ou encore une course à pied de 20 kilomètres», peut-on lire sur Vatican news.
L’esprit des Jeux olympiques est donc, à en croire certains observateurs, de promouvoir la paix et la concorde entre les peuples et les cultures. « Il n’y a aucune partie prise idéologique », peut-on substantiellement retenir. Pourtant, des « drag queens » ont parodié la représentation de Léonard de Vinci de la Cène, le dernier repas de Jésus-Christ avec ses disciples. L’objet de la controverse ? Une mise en scène plaçant au centre, selon le quotidien catholique La Croix, la DJ féministe et activiste LGBTQ + Leslie Barbara Butch dotée d’une auréole dorée pouvant rappeler la figure de Jésus Christ ; aux côtés d’une dizaine de drag-queens, attablés comme les douze apôtres de Jésus représentés dans le chef-d’œuvre du célèbre peintre Léonard de Vinci. « À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion », s’est défendu Paris 2024, par la voix d’Anne Descamps, directrice de la communication. Plusieurs voix se sont élevées, notamment celle de la Conférence des évêques de France, regrettant des » scènes de dérision et de moquerie du christianisme « . Le directeur artistique de la cérémonie, Thomas Jolly, de son côté, s’est défendu en déclarant que son inspiration ne venait pas de la Cène biblique, mais de Dionysos, « dieu de la fête, du vin »
La Cène parodiée ou la fête de Dionysos ?
Dans une parution du quotidien Le Monde du lundi 29 juillet 2024, un article intitulé » JO de Paris 2024 : quand les autorités catholiques confondent le banquet de Bacchus avec le dernier repas du Christ lors de la cérémonie d’ouverture« , met en question la prise de position, venant ainsi en soutien à la réaction de Thomas Jolly, directeur artistique de la cérémonie. Pourtant, du point de vue du récit de l’odyssée grecque, nulle part Dionysos n’est représenté avec une auréole évoquant l’iconographie chrétienne. Bien au contraire, la subite évocation de la figure de Dionysos dans ce tableau dit de » festin » semble confirmer l’hypothèse d’une parodie de la Cène du Christ, précisément parce que le banquet de Dionysos évoque l’exact opposé ( parodie) des symbolismes de la Cène, notamment l’image du » vin ». Dans l’univers du banquet de Bacchus ( équivalent romain du Dionysos grec), l’image du vin suggère » l’excès » ou l’orgie. « Revenons à ce que dit Nietzsche de cet excès dionysien. Il parle de fête dionysiaque qu’il décrit ainsi : « Presque partout ces fêtes consistaient essentiellement en une licence [ …] sans frein, dont le flux submergeait toute institution familiale et ses règles vénérables… » écrivait Céline Masson dans son célèbre article scientifique » Dionysos. La déchirure et l’excès ( in Cliniques méditerranéennes).
Rien à voir avec le Christianisme pour lequel les auteurs du tableau de la parodie, relèvent des spécialistes, ne s’empêchent pas de tourner en ridicule les personnages de la Cène, d’auréoler Bacchus ( lieu d’une suggestion flagrante de la parodie) et de juxtaposer ainsi des opposés, renversant littéralement le sens de deux « fêtes » non conciliables. Car la Cène, rappelle Ratzinger, est la Fête eucharistique. C’est au cours d’un Repas ( la Pescha juive) que Jésus institua historiquement l’Eucharistie ( Cf. Joseph Ratzinger-Benoît XVI, Jésus de Nazareth. Deuxième partie. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection). Mais la signification profonde de cette Fête n’entre aucunement dans les catégories des croyances gréco-romaines dominées par la mythologie des dieux de l’olympe.
Le Dionysos de festivité avance par les contradictions
Certains philosophes s’interrogent sur le sens du message qu’ont bien voulu véhiculer intentionnellement les auteurs de cette parodie. Une parodie est bien une contrefaçon extravagante d’une œuvre sérieuse dans le but de suggérer une idée ou un concept opposé. Le tableau ne semble pas anodin. Selon le philosophe Michel Onfray, » les civilisations disparues étaient associées à des formes culturelles : la pyramide égyptienne, le Parthénon grec, le forum romain, la cathédrale chrétienne ». Mais ce qui l’intéresse davantage, c’est l’intersection à laquelle se joue, d’après lui, l’histoire d’une civilisation qui se meurt pour laisser place à quelque chose de totalement inédit : » le spectacle de la parade qui remplace le réel par le virtuel, le tragique par le ludique, l’histoire par la fiction. Le cinéma, la télévision, les arts du spectacle fusionnent dans la Forme qui remplace les cathédrales : Disneyland. Homère, Tacite et Thomas d’Aquin sont remplacés par Mickey » écrit-il dans Le journal du dimanche, un quotidien français.
Plusieurs observateurs voient dans ce tableau intitulé « Festivité » une volonté de déconstruction des valeurs et de faire du christianisme un ennemi de la société post-moderne et profondément sécularisée. C’est l’analyse de Mgr Robert Barron, évêque de Winona-Rochester aux États-Unis. La question de la tolérance religieuse, première valeur du principe de la laïcité, est aussi évoquée pour questionner le vrai sens de cette laïcité, tel que l’entend la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. « L’intolérance des ‘tolérants’ n’a pas de limite. Ce n’est pas ainsi que se construit une société fraternelle. » renchérit Mgr Fernando Chomali, archevêque de Santiago au Chili. L’institution al-Azhar, la plus haute autorité musulmane en Égypte, a elle aussi condamné « les scènes représentant Jésus-Christ dans une image offensante […] qui a vexé les croyants de diverses religions à travers le monde et travestit la morale et les nobles valeurs humaines. »
Et si on questionnait les limites d’un féminisme insidieux
La revendication d’un droit à la liberté d’expression semble basculer dans une certaine forme de fondamentalisme laïc. Il y a un rappport de tension qui apparait de plus en plus entre la societé sécularisée et la religion, notamment en France. Cette forme de fondamentalisme promeut l’excès et l’outrance, surfe sur des ambiguités de certains discours théologiques. Il ne tolère aucune limite dans sa capacité de déconstruction. Pour plusieurs observateurs, ce phénomène s’observe dans une certaine tendance à revendiquer le droit de disposer, par exemple, de son corps comme l’on veut ( droit à l’avortement, droit à changer de sexe…), de gommer toute référence, de tourner en ridicule des indicateurs gardiens puis de les dynamiter ( déconstruction wokiste)…
Le phénomène, remarquent plusieurs spécialistes, est quelquefois insidieux et peut se développer sous la forme d’une certaine intolérance laïque par oppositiion au respect des valeurs traditionnelles dites » dépassées », notamment la famille. A l’origine de ce phénomène de revendications de droits à toutes formes de libertés, il y a, souligne le Père Israël Mensah, prêtre franco-béninois et invité de la 27 ème édition du Forum public du Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi, une nouvelle conception des principes de la démocratie et de l’Etat de droit. Cette nouvelle conception de l’Etat de droits devient un espace de liberté où tout serait permis, y compris le totalitarisme de l’arbitraire, au point de mettre en danger l’équilibre de la nature, elle-même. Or, celle-ci est un don gratuit de Dieu. On se reçoit de Dieu, car on n’est pas à l’origine de son existence. Pour Gaetan Bidossessi, jeune chrétien de la trentaine, il s’agira de veiller à éviter de se calquer sur ces modèles du temps. Car, estime-t-il, ces modèles peuvent exercer une forte attraction sur nous. Pourtant, leurs effets sont d’une grande nuisance à la société et à l’épanouissement spirituel du baptisé.
Le Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi