Pour porter la Bonne Nouvelle du Salut au peuple du Dahomey, Mgr Steinmetz, a laissé des écrits sur en quoi le témoignage de charité chrétienne touchait plus les frères des Religions traditionnelles. Il était surnommé « Daaga », à cause de sa grande taille.
L’Eglise a toujours privilégié dans un dialogue interreligieux une démarche d’identification des semences du Verbe enfouies dans les cultures. Le document fondateur d’une telle approche est Nostra Aetate du Concile Vatican II. « Depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui, déclare le Concile Vatican II à travers ce document, on trouve dans les différents peuples une certaine perception de cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou même d’un Père. Cette perception et cette reconnaissance pénètrent leur vie d’un profond sens religieux ».
« D’où l’initiative de l’Église, explique le Père Moïse Koumakpaï, prêtre du diocèse de Porto-Novo au Bénin et l’invité de la 7 ème édition du Forum physique du Cercle de réflexion et d’évangélisation Les Maux de ma foi, d’entreprendre un dialogue avec nos frères des religions non chrétiennes pour porter la Bonne Nouvelle de la Révélation plénière d’un Dieu Amour en la personne de Jésus-Christ ».
La vertu de l’écoute chez Mgr Steinmetz
Un plongeon dans l’histoire de l’Eglise, notamment au Dahomey, futur Bénin, permet d’apprécier que le dialogue entre l’Eglise et les Religions Traditionnelles a souvent lieu dans un respect de liberté, d’ouverture, d’écoute afin d’apprendre à se connaître, à rechercher les différences, et de proposer le Christ, Lumière des Nations, célèbré à l’Épiphanie.
« Entre nous [ chrétiens et adeptes des Religions Traditionnelles], les relations – paradoxalement – étaient assez bonnes : « [les adeptes des autres religions] entraient rarement en lutte ouverte contre notre religion… » partage Mgr François Steinmetz, alors Vicaire Apostolique du Dahomey dans « Dahomey 1930, Mission catholique et vodoun ».
Mgr Barthélemy Adoukonou, Secrétaire émérite du Conseil pontifical pour la Culture à Rome, invité de marque de la 27 ème édition du forum physique du Cercle de Réflexion et d’Évangélisation Les Maux de ma foi et auteur du célèbre ouvrage « Vodun, Sacré ou violence ? », rappelle ainsi la complexité du champ de l’Inculturation pour le théologien. Car celui-ci recherche, dans une interdisciplinarité, des jalons possibles, susceptibles de s’ouvrir à la lumière de la foi et enfouis dans la culture étrangère à l’Évangile.
Les Pierres d’attente comme preuves d’une disposition
d’accueil de Dieu
Les premiers missionnaires au Dahomey, selon des sources, ont travaillé à une telle rencontre entre la culture et l’Évangile, notamment le Père Francis Aupiais. A partir du dialogue d’ethnographes avec les Religions Traditionnelles Africaines ( RTA), ils ont travaillé à l’élaboration de ce qu’ils appellent des « pierres d’attente », notamment dans la perception du Dahoméen, par exemple, à appeler Dieu en langue locale fon du Sud du Bénin « mahou é hoù nou é », Dieu transcendant et tout tout-puissant.
Des sources rapportent, même, que Mgr Steinmetz s’était fait ami avec Agnilo, un adepte de religion traditionnelle. Celui-ci « assiste » souvent à la messe les dimanches et « servait d’intermédiaire entre les missionnaires et les adeptes de religion traditionnelle lors de multiples conflits provoqués par le Dangbé » ( in Dahomey 1930, Mission catholique et vodoun ». Un dimanche après la messe, poursuit la même source, Agnilo sollicite le père Steinmetz : « les fétichistes et leurs prêtres pourraient-ils porter aussi ce sable avec les chrétiens ? » Le missionnaire s’empresse d’approuver la requête alors qu’avait démarré la construction de l’église…
« Les jeunes adeptes envahirent les carrières, précise la source, prirent la terre dans des calebasses, des paniers, des bassines en cuivre et se mêlèrent aussi joyeux que les autres à la noria de chants et de cris. Les grands prêtres, quant à eux, surveillèrent avec zèle le bon déroulement des travaux. »
Lionel Azelokonon