L’aumônerie nationale des cadres et personnalités politiques du Bénin, en collaboration avec la Conférence Episcopale du Bénin, a organisé au palais des Congrès de Cotonou ( Bénin) un colloque international sur le vivre-ensemble. Tenus le 19 mai 2023, les travaux de ce colloque ont permis un diagnostic. Une Déclaration officielle actant les travaux de ce colloque scientifique, publiée dans son intégralité dans les colonnes de l’hebdomadaire catholique La Croix du Bénin paru 21 juillet 2023 , revient sur des orientations et recommandations majeures des participants à l’endroit des institutions de la République béninoise, des acteurs politiques, de la société civile et des citoyens.
Le consensus comme principe à valeur constitutionnelle
Dès les premières lignes de la Déclaration finale des participants du Colloque dont le thème est « Le vivre-ensemble au Bénin bâti sur les fondamentaux de la Conférence des Forces Vives de la Nation : quelles responsabilités pour les citoyens, les acteurs politiques et les Institutions ? »,, le cadre des travaux de ces Assises est défini. Il s’agit pour l’Eglise Catholique au Bénin, » fidèle à sa vocation prophétique et à sa mission évangélique, de continuer à appeler les filles et les fils du pays à un sursaut éthique et civique, une conversion intérieure ( Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise n°42) afin de renforcer le « vivre-ensemble au niveau personnel, familial et collectif« . Préfacée par le Président de la Conférence Episcopale du Bénin, Mgr Roger Houngbédji, Archevêque métropolitain de Cotonou ( Bénin), et présentée par le Père Nathanaël Yaovi Soédé, Aumônier National des Cadres et Personnalités Politiques du Bénin, cette Déclaration précise l’Esprit des travaux. Celui-ci, à se référer au document, s’inscrit dans un souci pastoral constant de l’Eglise de prendre soin de l’homme et de tout l’Homme, corps et âme.
Le document rappelle ainsi la règle non négociable du respect de la personne et de la destination du bien commun au bonheur de tous les fils et filles du pays, « ainsi que le principe selon lequel “Dieu seul est Dieu” et doit être élevé au-dessus de soi-même, des autres et des biens terrestres » comme base solide à tout développement « intégral » en contexte de démocratie. Pour les participants du colloque, il s’agit donc d’aller vers le « sommet ». « Le sommet est le point où tout culmine et parvient à la réalisation sublime des aspirations des personnes et des nations. » peut-on lire en préambule à la Déclaration finale saluant au passage le finesse de la plume du préfacier, les diverses institutions et des médias impliqués dans la diffusion de la Déclaration finale. Le document fait observer que » ceux qui avancent sur les chantiers de la démocratie participative et du développement dans le coude-à-coude avec le peuple y arrivent, qu’aux pas de la solidarité, ils marchent vers les cimes de la mort à soi et de l’élévation de soi et des autres, en vision et en pratiques promotrices d’actions de création et de production des ressources du bien-être authentique, qu’Ils montent, dans la joie et les peines, vers le sommet de la crainte de Dieu dans toute nation ». Pour aller cependant vers ce sommet, la Déclaration finale du colloque rappelle l’urgence d’un retour à la mémoire, Car, comme le précisent les lignes du document, « un peuple qui perd la mémoire des faits majeurs ayant marqué son histoire, son vivre-ensemble, et son devenir libre se condamne à répéter, à ses dépens, les mêmes erreurs… » C’est dans cette perspective que s’inscrirait la démarche de cet évènement. Partant d’un certain nombre d’observations techniques, les participants du colloque en viendront à des recommandations concrètes.
Des observatiions
Sans passer sous silence le grand défi « des malaises, des souffrances, des difficultés, des modes de pensée et des pratiques qui posent problème et qui peuvent devenir des virus dangereux pour (…) le vivre-ensemble‘, la Déclaration finale du colloque vise à consolider le » vivre-ensemble » de plus en plus fragilisé. Mais elle n’entend pas entreprendre une telle opération sans se référer à l’héritage de la Conférence des Forces Vives de la Nation » ( CFVN), évènement historique majeur dans la vie du peuple béninois. Pour rappel, cet évènement, présidé par Mgr Isidore de Souza, alors Archevêque de Cotonou, avait réuni dans la même ville du 19 au 28 février 1990 toutes les forces vives de la Nation. Ces assises ont aussi abouti à la publication d’une Constitution le 11 décembre 1990. Les fondamentaux démocratiques de » consensus, de dialogue, de crédibilité des scrutins, de l’alternance au pouvoir, de pluralisme inclusif, de neutralité des institutions de la République » chèrement acquis à l’occasion de ce grand tournent de l’histoire du peuple béninois demeure, pour le document final du Colloque, de solides repères de discernement. La Déclaration, fortement articulée, a donc puisé dans ce trésor des valeurs sociétales d’hospitalité, de pardon mutuel, du vivre-ensemble, de fraternité.
Dans une telle société, peut-on lire, « tout le monde s’épanouit, se sent intégré et respecté dans ses droits… ». La Déclaration finale du Colloque n’occulte pas, dans le même temps, la malheureuse éventualité des » maux et mentalités qui, dans l’imaginaire psychologique et culturel, entravent le vivre-ensemble ». Articulant conjointement enjeux et défis , les participants de ce colloque international sur le » vivre-ensemble » ont proposé une sociographie scientifique de ces maux et mentalités. Ainsi, comme le décrit le document final, » ces maux ont entre autres pour nom : » la défaillance des » infrastructures psychiques », l’incapacité à travailler durablement ensemble, l’hypertrophie de l’ego, le mépris et le manque d’égards pour ce qui est commun, la culture de l’imposture qui fait la promotion des moins méritants au détriment des meilleurs, la culture des inégalités, la priorisation de l’accessoire sur l’essentiel, le défaut du sens de l’histoire, l’hypocrisie, la duplicité, le manque d’écoute et de respect de l’autre« . Les Assises de ce colloque, loin de s’en tenir à ce tableau de diagnostic peu reluisant, posent cependant la possibilité pour le peuple de puiser dans « ses ressources spirituelles profondes » afin d’opérer une conversion des « mentalités » comme ce fut le cas en 1990. Pour les participants signataires du document, le sens de l’honneur et de la dignité est donc possible tout comme le pardon mutuel, la fraternité et l’hospitalité, et par conséquent, le « vivre-ensemble ».
Au nom même de ce changement de mentalité, « la liberté et le pain peuvent cohabiter » rappelle le document.. Il précise aussi que » on ne peut pas sacrifier la liberté sur l’autel du pain » au risque de perdre et la liberté et le pain. Sur la base de ces observations, les participants formulent un certain nombre de recommandations à l’endroit de différentes institutions de la République béninoise, de la Société civile et de la Conférence Episcopale du Bénin.
Des recommandations
La Déclaration finale formule des propositions concrètes et dont l’intégralité est publiée dans les Colonnes de l’Hebdomadaire Catholique La Croix du Bénin, paru le 21 juillet 2023. Parmi la série des recommandations de la Déclaration finale du colloque adressée respectivement au gouvernement béninois, aux parlementaires, , au pouvoir judiciaire, aux acteurs politiques, aux responsables des institutions de la République et autres institutions présentes au Bénin, aux têtes couronnées ( chefferie traditionnelle), aux sages, , à la Conférence Episcopale du Bénin, à toutes les confessions religieuses, aux organisations de la Société civile, au peuple béninois tout entier, figure notamment la proposition soutenue de l’instauration » d’un cadre de concertation national inclusif pour faire l’état des lieux des acquis de la démocratie et du développement ». Le document demande, par la même occasion, aux différentes institutions de l’Etat béninois, notamment au gouvernement béninois, que des mesures et des décisions courageuses susceptibles d’engager le vivre-ensemble soient prises dans l’intérêt supérieur de la Nation.
La Déclaration finale, dans ses recommandations, rappelle aussi la « vocation prophétique et la mission évangélique » de la Conférence Episcopale du Bénin dans le domaine du dialogue, de la réconciliation, de la médiation en vue de la consolidation du « vivre-ensemble » entre les fils et filles du pays, acteurs présents et absents du territoire pour une raison ou une autre. Le document plaide surtout que » soit écoutée la Conférence Episcopale du Bénin ». Cette Déclaration recommande également que soient inscrits « aux programmes de tous les ordres d’enseignement des actes de la Conférence des Forces Vives de la Nations » afin que ces derniers soient connus et l’esprit de ces Assises historiques « transmis » aux jeunes générations. A l’endroit du Législatif, le document final rappelle la spécificité de la vision de l’Homme et du monde propre au peuple béninois et dont l’on ne peut faire abstraction dans l’élaboration des textes de lois sans en trahir l’âme. Pour les participants de ce colloque, l’objectif d’une telle démarche viserait à garantir l’équité. » Par conséquent, recommande la Déclaration, la mission des représentants du peuple (sic) doit s’accomplir dans un esprit de conscience inclusive, dans le respect du consensus comme principe à valeur constitutionnelle, et de l’esprit des lois « . ( Voir la Déclaration finale ). Le document insiste également sur l’urgence d’une conscience qui sait viser le Droit et veille à être par delà des tensions partisanes. Recourant à l’image de la liberté et du pain, le document s’intéresse, dans ses recommandations, à la question de la vie matérielle, ou plus exactement, d’une économie inspirée de valeurs humaines. Appelée, par vocation, à servir la dignité de la personne, elle ne peut pas provoquer ce que le document appelle » l’exploitation du bien commun au profit d’une minorité ».
Sur un autre axe, la Déclaration finale demande à la Conférence Episcopale du Bénin de continuer de jouer son rôle de prophète afin que règne » un climat de paix et de confiance pour le vivre-ensemble ». Cette mission prophétique, pour les signataires du Document, suppose de travailler à l’élaboration d’une » charte de normes éthiques et morales, de manière à créer un effet de lobbying permanent qui fonctionne comme un rempart contre les lois, les décisions et les pratiques contraires à l’idéal de vivre-ensemble « . Le document tient aussi compte de projets de sollicitude pastorale à apporter à des peuples » opposés et divisés » entre eux par des conflits dont le souvenir hypothèque le vivre-ensemble et, souhaite d’associer des chefs traditionnels à des projets de réconciliation. Il est également à noter que, pour les participants de ce colloque international, la prospective d’un développement durable, favorisée par le respect des exigences de la démocratie reste possible. Toutefois, sans se faire d’illusions, ils en rappellent les conditions de sa possibilité, notamment celle qui recommande d’éviter « d’y sacrifier les principes de la dignité humaine et des valeurs africaines « . Aussi invitent-ils le peuple béninois, par la Déclaration finale, « à changer de comportement dans un climat de fraternité, à renouer avec le sens d’honneur et de la dignité, à avoir le sens des aînés, à travailler à être de vrais patriotes, c’est-à-dire des citoyens et citoyennes fidèles, honnêtes, exemplaires et humbles ». La Déclaration finale met un point d’orgue sur la crainte de Dieu » et par delà cette crainte, recommande le respect de tout hommes et de toutes femmes créatures de Dieu ». ( Lire la Déclaration finale).
Les Maux de ma foi ( La rédaction)