L’usage du mot « fornication » semble sonner quelquefois comme étant à l’origine d’un interdit moral arbitraire dicté de l’extérieur sans que l’on ne sache pourquoi. Pour deux personnes ( de sexe opposé) qui estiment qu’elles s’aiment, il n’y a pas de raisons, estiment-elles, qu’elles s’en donnent des preuves. » Si tu m’aimes donc, on doit coucher ensemble ». L’une et l’autre craignent aussi d’etre abandonnées au profit d’un ( e) autre en cas de refus Et pourtant, il y a des souffrances liées à une forme de relations qui ne reposent pas sur la vérité de l’union des corps et des coeurs puis sur la confiance. C’est pour prévenir ces souffrances et proposer des moyens pour vivre plus pleinement sa sexualité que le Père Sabin Sèdégnon, prêtre béninois et invité de la 54ème édition du Forum public du Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi ( 2mf-ji), revient ici sur les enjeux de la question.
Une bonne compréhension de la dignité de la personne
La notion de “dignité” a d’abord été le premier élément évoqué au centre des discussions lors de cette conférence-débat initiée par le Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi le 15 juillet 2023 en partenariat avec Radio Immaculée Conception ( Bénin) au Bénin. Selon le Père Sabin, “la dignité ou le respect de l’autre est un principe selon lequel on accorde une place particulière à une entité. Le principe de la dignité se définit par rapport à la nature intrinsèque du sujet. La dignité de l’Homme, selon les termes de l’invité, est donc identifiée par rapport à son Créateur : créé à l’image et selon la ressemblance de Dieu (Genèse 1, 27).” Il appuie ses propos en référence au paragraphe 1700 du CEC (Catéchisme de l’Église Catholique) : “La dignité de la personne humaine, cite-t-il, s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu ; elle s’accomplit dans sa vocation à la béatitude divine. Il appartient à l’être humain de se porter librement à cet achèvement.”
À la question de connaître les limites de la dignité humaine, le père Sabin affirme qu’il n’y a pas de limite au respect de la dignité humaine. Ce principe s’étend de la conception de l’Homme jusqu’à sa mort, indépendamment de son état physique, psychologique, de sa race, de son niveau social. De plus, la promotion de la dignité humaine doit s’appliquer à la fois à soi-même et envers autrui. “Face à des idéologies niant la dignité humaine, il serait nécessaire de rappeler que l’Homme n’est pas au même rang qu’un animal, mais qu’il est une créature particulière de Dieu, rattachée à Dieu et appelée à la perfection”, rappelle-t-il.
Le problème de la fornication
Défini comme des rapports sexuels hors des conditions voulues par Dieu afin de garantir notre bonheur, le phénomène de la fornication emprunte à l’amour sponsal.des traits d’expression sans être vraiment une manière d’aimer l’autre pour lui-même ou pour elle-même. Une partie ou les deux a peur de s’engager vraiment envers l’autre dans le mariage parce que l’acte du mariage n’est pas une simulation. Il requiert une confiance mutuelle.
Le livre des Actes des Apôtres, rappelle-t-il, recommande de s’abstenir des unions illégitimes. ( Actes 15,20). De plus, le sixième commandement de Dieu interdit de réduire le prochain à une chose que l’on jette lorsque l’on n’en a plus besoin. L’invité situe dans le même ordre l’égoïsme dans une relation et surtout une recherche du plaisir pour lui-même qu’entretient la masturbation, la violence contre le plus fragile à laquelle conduit la pédocriminalité, la déformation de la vérité de la communion dans l’amour sponsal et la tentation de chosification du corps à laquelle conduit la pornographie. « Le plaisir recherché pour lui-même et isolé du don tombe dans la chosification de l’autre », a-t-il poursuivi.
L’éducation à une vie affective plus épanouie
À l’origine des difficultés affectives, on peut identifier plusieurs causes : le déficit d’informations, les contenus des médias qui construisent et promeuvent une perception erronée de la sexualité, du corps, la révolte contre des règles (”il est interdit d’interdire comme en mai 68”), le tabou, la curiosité. « L’Homme étant un tout corps et âme, précise l’invité, tout peut être affecté s’il ne répond pas à sa vocation d’aimer et d’être aimé pour lui-même. Le don, dans le mariage, peut devenir problématique ».
L’invité de la 54ème édition du Forum public du Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi rappelle, en citant saint Augustin, que c’est le sanctuaire de Dieu qui est provoqué lorsqu’on manque de respect au corps de l’autre. Pour le Père Sabin Sèdégnon, l’homme installe une situation de conflit ouvert entre la Charité de Dieu et lui-même. Cela conduit à une situation de fissures, de brisures de rapports d’amitié entre Dieu et nous et d’absence de paix et de bonheur. » C’est comme si nous détruisons notre propre couche d’ozone qui est supposée nous protéger contre des intrusions de l’ennemi » souligne-t-il en recourant à l’image de la couche d’ozone atmosphérique. Une autre conséquence, pointe-t-il, c’est que le fait de ne pas vraiment aimer l’autre fait de nous des personnes incapables de former des projets prénuptiaux communs dans la vérité de l’amitié avec l’autre. On ne veut pas faire du sérieux avec elle ou bien avec lui, mais on « fait semblant » de tenir à elle ou à lui. L’invité de cette 54ème édition précise également que le mariage, à cette allure, pourrait ne pas devenir un lieu de fidélité. Car on n’aura pas appris à tenir parole. Il propose une éducation qui décomplexifie le débat autour d’un dialogue
La sexualité ne se réduit pas au sexe
Le père Sabin Sédégnon apporte certaines précisions notables. Premièrement, il fait observer que la sexualité ne se réduit pas au sexe, encore moins, à la génitalité. Il existe d’autres dimensions comme, par exemple, la communion. Deuxièmement, il fait observer que le fait d’hésiter d’aller au mariage pendant que l’on prétend vouloir le bien de l’autre au nom d’un certain sentiment amoureux sonne comme contradictoire et crie « faux ». Troisièmement, il rappelle que l’environnement culturel africain ne favorise pas une banalisation d’un projet de vie à deux, parce que les liens nuptiaux garantissent le bien mutuel. Il reconnaît qu’une certaine pression psychologique (des parents souhaitent voir très tôt un petit-fils ) peut destabiliser des jeunes en âge de choisir en toute liberté responsable. Il reconnaît aussi l’existence d’un certain phénomène de peur d’une éventuelle malfaisance occulte qui pousse des parents à suggérer à leur enfant de donner naissance à un fils ou à une fille avant le mariage. Ils ont peur qu’une grossesse ne soit pas possible dans le mariage. Pour l’invité, il importe d’entrer dans une démarche de foi et de faire confiance à Dieu. Il rappelle que le « cerveau serait le premier organe sexuel et qu’il est possible une éducation à la gestion.d’une vie affective épanouie et responsable ». A cet effet, évoquant l’exemple de Tobie dans les Saintes Écritures, il remarque que nous ne pouvons pas nous mettre ensemble avec n’importe qui. Et qu’avant de se mettre ensemble, il faut partir des ressources de la Parole de Dieu, prier et apprendre à rechercher le bien de l’autre pour lui-même ou pour elle-même. “Dans toutes les générations, soutient-il, il y a des personnes qui vivent selon l’idéal d’amour auquel le Christ appelle ses amis, dont nous faisons partie.”
Eusèbe DJAGBA