Samedi 18 novembre 2024, les auditeurs de Les Maux de ma Foi, ont été immergés dans la thématique du pardon, lors du 56ème débat bimensuel au Centre Saint Paul VI de Cotonou (Bénin). C’était avec le père Léopold Allossè, prête du diocèse de Lokossa, actuellement admis à la retraite.

Le pardon dans nos contrés.
« Le pardon est l’un des actes essentiels qui contribuent au maintien de la cohésion sociale des membres d’une communauté, si elle est exécutée en toute sincérité. Cet acte, si banal, semble très pénible à vivre pour la plupart des Hommes. Pourtant, le Christ lui-même nous invite à pardonner dans Mathieu 7,22», introduisait Gilles Kpossou, Co-animateur de cette conférence-débat.
Cette pénibilité du pardon sur le plan sociologique, selon le père Léopold, est due au fait que les peuples primitifs ont organisé et structuré les lois selon les intérêts. Ceci favorise les frustrations de tout ordre. Parfois, dans nos us et coutumes, la vengeance est tolérée. Certaines pratiques endogènes développent la culture du soupçon et de la méfiance. Puis, ils produisent des résistances caractérielles pour le pardon.

Toujours, sur le plan culturel, le pardon est difficile à vivre, mais en même temps, c’est une noblesse. On observe également, des pratiques l’encourageant. Les sociétés se sont entendu pour organiser une forme collective de reconnaissance de la faute et de reconnaissance du pardon, la famille n’ayant pas une loi en dehors de celle de la société. Le pardon se fonde sur le sang. ‘’Le sang parle au sang et le sang doit régler certains conflits entre nous’’ entend-t-on, couramment ».

La culture chrétienne du pardon.
Nous avons la grâce du pardon, pas seulement après Jésus-Christ mais déjà avant, par la grâce de la création. Il y avait déjà le germe du pardon, davantage confirmé par l’élection d’Abraham qui est le père de la foi. Le pardon chrétien arrive par un cheminement de libération, un cheminement avec Dieu. Ceci débouche sur la liberté de découvrir le bonheur par la communion avec Dieu, avec la communauté et avec soi-même.
Le pardon comme germe dans l’élection du peuple hébreux. Le germe du pardon se situe dans Deutéronome 4,6 : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu.» Le don de l’amour commence par naitre comme expression du pardon. La connaissance de Dieu, les expressions de la manifestation du cœur de Dieu, par le pardon qu’Il accorde à son peuple qui ne cesse de désobéir. Mais ce pardon est fait d’une promesse : ce qui vous est difficile à vivre, je vous enverrai quelqu’un et cette personne va vivre ce pardon. D’où le mystère de l’Incarnation.
Obéir se révèle important pour bénéficier de la grâce du pardon. Obéir pour être délivré, obéir pour être libre. Il faut imposer à nos forces psychologiques, une puissance d’obéissance. Incliner les forces psychologiques de négativité ou d’enfermement sur soi-même, d’égo et d’égocentrisme, les forcer à s’impliquer dans une logique d’obéissance. [Il cita des exemples d’obéissances dans la Bible].
Le pardon dans le couple.
La vie de couple, se fonde sur la bonne volonté à se comprendre, à se dire la vérité, à accepter de se construire sur des bases solides. L’accompagnement de l’autre pour qu’il change de caractère peut découler sur une forme de routine qui dégoûte. Il ne faut pas oublier que nous sommes nés avec des taux de défaillances, et qui sont d’une opacité difficile à corriger. Et donc, il faut compter avec ça, affirme père Léopold.
Lorsqu’on donne le pardon, le premier bienfait, c’est qu’on commence par accepter, on marche vers la tolérance. Le second bienfait, ça permet de construire l’harmonie dans la famille, permet aux enfants de découvrir l’effort des parents pour maintenir l’union. Apprendre à agir par gratuité. L’amour devient la découverte de ce qui peut sublimer ma faute et me porter à une certaine autre dignité que je n’avais pas : la dignité de l’amour.
Les défis du Pardon.
Déjà, tous les péchés ne sont pas pardonnables, comme le péché contre l’Esprit Saint. La réalité concrète du pardon, c’est ce que te disent les règles et la parole de Dieu : c’est la gratuité. Nous sommes différents, culturellement, civilisationnellement. Il faut savoir pardonner les plus grands maux de nos sociétés, en reconnaissant, la valeur de leurs réalisations et en dépassant pour pouvoir contribuer, à l’universel des valeurs.
Le pardon est un don qui permet d’aller au-delà du don. Quand on rencontre des difficultés dans le processus du pardon, il ne faut jamais désespérer de l’autre, de sa capacité à changer. A la prière, le jeûne, il faut du temps, car le temps contribue à la réparation. Il faut la confrontation continue à demander pardon, à faire le bien, même à ceux qui vous veulent du mal. L’Eglise propose en plus de la prière, d’éduquer et d’être proche. Certaines situations, comme les blessures d’enfance, nécessitent un accompagnement spirituel. D’ailleurs, certains principes culturels l’encouragent à travers certaines expressions : ‘laisser à Dieu‘’, ’’tu ne peux venger tout ce qu’on t’a fait’’.
Après le pardon, naît la joie intérieure. Même si l’autre reste toujours fermé, la joie intérieure signale réellement qu’on l’a pardonné.
Abraham KOUMASSA