Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.”
On se croirait devant une recherche de mérites pour soi-même.
Mais en fait, c’est ce que noirs constatons dans l’attitude du pharisien.
Alors même qu’il dit qu’il jeûne deux fois par semaine et que il n’est pas comme le publicain, son attitude, paradoxalement, démontre le contraire.
Cela pose un problème.
Pourquoi jeûne-t-on et pourquoi juste à côté de l’évocation du jeûne, en ce temps de carême, l’Église nous rappelle la prière et le partage ?
Ce n’est pas pour rien.
C’est parce que le jeûne, en lui-même, n’a pas de sens s’il ne conduit notre cœur à l’humilité et à la charité.
Lorsque cet exercice spirituel qu’est le jeûne ne nous conduit pas à une vie de pardon et de charité, il reste juste une dévotion extérieure, sans conversion du cœur.
Or, ce que le Seigneur recherche, c’est l’attitude du publicain.
» Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. »
Voilà le fruit de la conversion du coeur auquel nous conduit un vrai jeûne.
Le jeûne est un entraînement au combat spirituel contre l’orgueil en nous.
Curieusement, chez le pharisien, on ne remarque pas ce fruit de l’humilité.
Le regard qu’il porte sur son frère est un regard de jugement.
Bien plus, il n’entend même pas que ce publicain soit son frère.
On remarque un manque d’amour dans sa manière de s’adresser à Dieu.
» Je ne suis pas comme les autres hommes. »
C’est cette forme d’orgueil qui nous empêche de nous remettre en cause, de nous sentir misérable et de faire l’expérience de la soif de Dieu.
Nous prenons conscience de nos fragilités et nous recourons à la Miséricorde de Dieu à chaque célébration du sacrement de la pénitence.
Mais cette démarche n’est pas possible pour quelqu’un qui tient un discours pareil.
» Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. »
La conscience que nous sommes pécheurs nous évite de nous éloigner des sacrements et nous met en condition d’être charitable envers le frère.
Cette conscience que nous avons besoin du Corps et du Sang du Christ tenir fort sur le chemin de sainteté est en même temps le lieu d’une profonde humilité.
On ne vit pas son identité de chrétien comme si c’est quelque chose de définitivement acquis, mais on demeure constamment en veille, tant le combat n’est pas terminé.
La tentation d’apostasier, par exemple, ou bien de renoncer à son baptême au profit d’une illusion de solutions miracles reste constante.
La tentation d’aller vers d’autres dieux pour rechercher une certaine sécurité reste aussi permanente.
Et pourtant, Dieu reste fidèle.
Mais nous, sommes-nous toujours fidèles ?
Ce que le Seigneur recherche, ce n’est donc pas vanter combien nous avons investi pour construire telle oeuvre du Seigneur, ce n’est pas non plus présenter le fait de jeûner comme une performance.
La prière comme si on devrait dicter à Dieu de se soumettre à notre volonté.
Ce qu’il recherche, c’est ce cœur qui prie avec amour et s’engage avec amour.
Ce qu’il recherche, c’est ce jeûne qui ne consiste pas à déchirer nos vêtements, mais notre cœur comme le publicain.
Ce que le Seigneur recherche, c’est ce cœur qui sait demander son pardon à chaque célébration du sacrement de la confession et sait s’unir à lui à chaque Eucharistie.
Avec quel cœur je viens à Dieu ?
Et quel regard je porte sur mon frère ?
Père Serge Martin Ainadou