Le phénomène, observent des spécialistes, prend une allure de déboulonnement de statues ( sic langage métaphorique). Ces statues évoquent pour certains le symbole du patriarcat et du pouvoir. Donc, il va falloir les évincer. L’Eglise n’est pas étrangère à ce phénomène.
Aux racines du mouvement feministe
Dans la parution du journal Le Monde du 8 mars 2024, la figure de l’historien français Charles Turgeon a été évoquée. Auteur de Le Féminisme français (Hachette), cet historien se faisait l’écho d’un mouvement inédit : un féminisme interne à l’Eglise. Nous sommes en 1902. » Au moment de leur émergence, les premiers mouvements féministes se sont généralement construits contre les religions, d’où cette impression d’un « rapprochement impossible » entre les deux sphères. Au XIXe siècle, les grandes figures fondatrices du féminisme étaient largement issues de la bourgeoisie libérale ou des milieux socialistes, et s’opposaient à des institutions religieuses accusées « d’inculquer explicitement une morale familialiste entièrement dominée par les valeurs patriarcales », pour reprendre les termes de Pierre Bourdieu, dans La Domination masculine (Seuil, 1998)- ( Le Monde 8 mars 2024).
Pourtant le cri féministe se faisait aussi retentissant à l’interne. Un aperçu historique permet une relecture aisée du phénomène de déboulonnement actuel de ce que les spécialistes consultés appellent les » grandes références » dans le monde de la culture et de la religion. Le péché de celles-ci, c’est d’asseoir une domination patriarcale.
Dès les années 1830
A partir des années 1830, des intellectuelles protestantes comme les Françaises Eugénie Niboyet (1796-1883) et Jenny d’Héricourt (1809-1875) participent ainsi à la « première vague » du féminisme, réclamant le droit de vote pour les femmes, un meilleur accès à l’éducation et une redéfinition du rôle de la femme dans la famille et la société. » Même si ces revendications ne sont pas à mettre en question et relèveraient, pour certains historiens, du statut de l’homme et de la femme, égaux et complémentaires en dignité, ces revendications finiront par se transformer en une idéologie. Cette idéologie, admettent des spécialistes, consiste dans une opération d’annulation pure et simple de tout ce qui nous précède, une référence par exemple ( cancel culture), un gommage des différences entre un homme et une femme, une sorte de revendication à l’uniformisation…
» L’actualité du synode est souvent decryptée à tort sous cet angle de rupture » observe Gaetan Bidossessi, un observateur béninois. Pourtant, ce n’est pas l’Esprit du synode qui est une marche ensemble en Eglise dans le respect des diversités des charismes. Récemment, lors d’un entretien accordé à une chaîne de télévision américaine, le Pape François a fermé la porte au diaconat féminin ordonné. Il a rappelé aussi le principe pétrinien de l’unité de l’Eglise.
Le problème théologique de rupture avec les références et les institutions
L’Eglise est dans le temps, sans pour autant se calquer sur les schémas de l’ère du temps. Les déceptions qui ont suivi cette annonce en sont des preuves, relèvent des spécialistes. Le curseur, selon certains observateurs, se déplace vers une forme de féminisme religieux prônant une » différence sans discrimination ». D’aucuns, estimait Charles Turgeon, jugeaient tout rapprochement entre féminisme et religion impossible. « . Pourtant, ces trente dernières années révèlent que l’idéologie est bien présente. Sur les questions de l’Interruption Volontaire de Grossesse ( IVG) et autres sujets de la théologie morale, certaines féministes catholiques s’aperçoivent subitement qu’il y a une différence indéniable entre le féminisme comme mouvement séculaire de » libération de la femme » et leur identité « essentielle » de catholique. Elles buttent contre un mur. Dans une parution du quotidien La Croix datant du 2 décembre 2019, certaines n’hésitent pas à évoquer le problème d’une » tension assez forte ». Il faut que celles qui se réclament » féministes » puissent promouvoir la place des femmes dans l’Eglise tout en signifiant que leur féminisme ne porte pas l’ensemble des revendications féministes sociétales, notamment en matière de sexualité et d’IVG. » La tension est donc palpable.
Dans le même temps, il devient difficile d’intégrer cette idéologie du féminisme sans entrer dans un nouveau champ de tensions avec les religions, à cause de la promotion d’une déconstruction radicale des identités de genre et la subversion de la différence sexuelle. Il reste, relèvent des spécialistes, à préciser les limites objectives entre » différences et discrimination ». Pour Gaetan, ce rapprochement du féminisme avec la religion semble intenable puisque, selon lui, il peut finir par déboucher sur des revendications de droit et des rapports de tensions inutiles, contredisant l’Evangile du Christ et gommant la dimension de l’unité ecclésiale dans la diversité des charismes.
Au-delà du conformisme…
Autour des questions de paix, du respect des différences et de la dignité des personnes, on peut envisager de construire une anthropologie chrétienne nourrie en sa racine par le respect du bien de toutes personnes. C’est, du reste, la position de Fidélia Agbeko, jeune chrétienne catholique et fin observatrice de l’actualité. » Pour être soi, on n’ à pas besoin de s’inscrire dans un rapport de tensions vis-à-vis de l’autre » rappelle-t-elle avant de préciser que les tentatives de « déboulonnement wokiste » sont symptômatiques d’un échec de la pensée.
La rédaction de Les Maux de ma foi