« Nous voudrions voir Jésus. »
C’est la requête des Grecs.
Saint Jean, dans l’Évangile de ce cinquième dimanche de carême, rapporte que quelques Grecs, parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem, ont demandé à rencontrer Jésus.
La Divinité du Seigneur est nettement mise en valeur à travers cette doléance.
« Nous voudrions voir Jésus. »
Ce n’est plus les prophètes qui nous l’indiqueront.
Il est désormais là dans la chair.
La réponse à la préoccupation des Grecs qui sont montés à Jérusalem ne tarde donc pas à venir.
» L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. »
L’heure est venue où le Fils de l’homme sera adoré en esprit et en vérité.
Nous le verrons, tel qu’il est.
C’est bien la réponse à la préoccupation des Grecs.
« Nous voudrions voir Jésus. ».
Les Grecs le verront tel qu’il est alors, en esprit et en vérité.
Ils le verront au sens propre du mot Témoignage.
On verra que la suite du discours du Seigneur annonçant sa passion, mort et résurrection, se révélera décapant.
En réalité, lorsque les Grecs ont demandé à voir Jésus, ils sont à mille lieux d’imaginer un genre de discours :
» Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas,
il reste seul ; mais s’il meurt,
il porte beaucoup de fruit. »
Ils ne pensaient pas rencontrer un Dieu qui, contre toute attente, se met à dire :
» Qui aime sa vie
la perd ;
qui s’en détache en ce monde
la gardera pour la vie éternelle. »
Et pourtant, c’est là l’essence même de ce Dieu qu’ils recherchent.
« Nous voudrions voir Jésus. ».
C’est un Message de paradoxe qu’il annonce.
Ici tombent tous nos préjugés.
On découvre Dieu en esprit et en vérité.
Le prophète Jérémie, dans la première lecture de ce dimanche, déjà annonçait :
» Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ;
je l’inscrirai sur leur cœur.
Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon,
ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! »
On aurait, sans doute, tord de penser que, par nous-mêmes, on pourrait connaître Dieu en vérité et en esprit sans la moindre méditation de l’Église ni le moindre cheminement.
On va s’égarer si on pense ainsi, car chacun se fabriquerait sa petite idée de Dieu.
Or, on l’a bien vu dans le cas des Grecs dans l’Évangile, il a fallu qu’ils rencontrent Philippe, un disciple du Maître.
» Philippe va le dire à André,
et tous deux vont le dire à Jésus. » rapporte saint Jean.
Il y a bien une médiation nécessaire qui met notre cœur en route afin de contempler Jésus en esprit et en vérité.
Contempler Jésus en esprit et le contempler en vérité n’est donc un acte privé, ni d’initiative personnelle.
D’ailleurs, ce n’est jamais nous qui prenons, le premier, l’initiative de l’Alliance.
C’est toujours lui qui prend le premier l’initiative, par amour, comme nous le rappelle Jérémie de la part de Dieu dans la première lecture.
Mais, s’il y a rupture par la suite, c’est toujours par notre faute, parce que pour aimer vraiment quelqu’un en esprit et en vérité, il faut apprendre à le connaître.
On ne peut pas prétendre aimer Dieu en esprit et en vérité, si nous n’apprenons pas à approfondir notre amour pour lui, à mesure que s’affine notre connaissance de Lui.
Or, viser l’objet de cet amour dans la vérité suppose en apprendre sur lui auprès de personnes censées nous transmettre ce qu’ils ont reçu de lui en esprit et en vérité.
C’est exactement la démarche des Grecs.
Nous venons voir Jésus avec nos idées préconçues de lui.
Or voici que ce que nous pensions de lui tombe dans la caducité.
Car Dieu se révèle de lui-même.
Il nous dit qui il est en esprit et en vérité.
C’est à prendre ou à laisser.
Car la déception peut peut être grande.
» Qui aime sa vie
la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. »
Voilà les articulations de la nouvelle Alliance.
Cela peut ne pas plaire voire déranger.
Et pourtant, rencontrer Dieu en esprit et en vérité, ce n’est pas décréter de se passer de la médiation de Philippe et d’André, donc de la médiation de l’Église.
Rencontrer Dieu en esprit et en vérité, c’est apprendre à aimer Dieu, tel qu’il est.
Tel qu’il se révèle à notre cœur.
C’est cela :
Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur.
Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon,
ni chacun son frère en disant :« Apprends à connaître le Seigneur ! »
C’est le langage de l’Amour qui prend corps ici.
Tout se fait par amour pour Dieu et tout joyeusement.
Même le désir d’en apprendre sur Dieu par des études est mû de façon intense par le même amour.
Or ce sentiment d’amour devrait tout accepter pour l’être aimé.
On ne va pas fuire l’être aimé, donc rompre l’alliance, parce que on serait déçu dans nos attentes égoïstes.
Car on aura vraiment appris à connaître le Fils en esprit et en vérité comme lui connaît son Père.
» Bien qu’il soit le Fils,
il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. » écrit l’Auteur sacré de la Lettre aux Hébreux en deuxième lecture.
C’est le témoignage de l’Amour-passion et de l’Amour-souffrances qui est prêt à tout, qui souffre pour l’être aimé, qui respecte l’être aimé..
Mais cette démarche du cœur n’est point possible sans l’amour qui cherche à connaître sur l’autre et qui aime gratuitement.
Quel est alors le degré de mon amour pour Dieu ?
Quelles sont les œuvres de charité qui témoignent que j’aime le Christ et l’Église en esprit et en vérité ?
Seigneur, augmente en nous la foi.
Père Serge Martin Ainadou