Les voies de l’intériorité sont une finalité souveraine pour notre vie et notre épanouissement dans le Christ. Face aux nombreux facteurs qui nous invitent à vivre toujours à l’extérieur de nous-mêmes, le Cercle de Réflexion et d’Évangélisation, « Les Maux de ma Foi : les Jeunes S’Interrogent! » a organisé le Samedi 27 novembre 2021 au centre Saint-Paul VI de Cotonou (Bénin) un échange sur l’interiorité chrétienne avec le père Marc HOUNON, Directeur du foyer de Charité Marie Reine de la paix de Sègbohouè, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Cotonou. (Bénin).
Une Clarification du concept d’intériorité
« De façon générale, l’intériorité rappelle le fait d’être présent à soi, de penser ses émotions et plus particulièrement la vie intérieure qui nous habite » a précisé le père Marc Hounon, invité de cette nouvelle édition du débat chrétien du Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi. Pour lui, le retour à la vie intérieure est une chose bienfaisante pour l’âme.
Au sens chrétien, l’Intériorité est une présence à Dieu que l’on rejoint dans la vie intérieure: « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra » Mathieu 6,6. Saint Augustin, a rappelé l’invité, parle ainsi d’un Dieu qui est à la fois transcendant et intérieur, plus intime à nous que nous-mêmes et pourtant radicalement Autre. Dans l’histoire de la mystique chrétienne, a-t-il remarqué, sainte Catherine de Sienne, décrivant la puissance de la vie intérieure, parlera de « cellule intérieure » et sainte Thérèse d’Avila, de « demeure ».
Selon le père Marc HOUNON, Il existe certaines spiritualités désincarnées qui tendent à insister plus sur des efforts personnels pour atteindre ce degré d’intériorité qu’à faire confiance à Dieu et à le laisser nous conduire dans cette vie d’intériorité. « La sensation à laquelle l’on peut aboutir ici n’est pas forcément ce que nous attendons d’une vie intérieure centrée sur Dieu » a tenu à clarifier le spécialiste qui attire l’attention sur des possibilités de confondre vie intérieure avec Dieu avec d’autres procédés dits « énergétiques » débouchant malheureusement sur des contacts avec des démons.
Une Intériorité centrée sur le Christ ou développement personnel
« Pour le chrétien, c’est la grâce qui fait entrer dans la vie intérieure » a précisé le Père Marc Hounon. Cette grâce a besoin d’une certaine disponibilité intérieure qui s’exprime par la gratuité du temps qu’on donne à Dieu. « La disponibilité, note-t-il, nous amène à dire comme le Cardinal Robert Sarah « Dieu ou rien », avant de remarquer que cette disponibilité nous met en relation avec Dieu qui s’est déjà donné à nous, le premier.
« Le développement personnel, quant à lui, est une notion relativement récente qu’on aborde avec discernement et prudence », tient à préciser le père Marc Hounon. « La notion en elle-même, a-t-il expliqué, est neutre puisqu’elle parle de « personne » et de son « développement », donc de son « bien-être ». Il s’agit ici de la mise en valeur de la personne et d’une prise de conscience de ses capacités et potentialités. » Il reconnaît cependant que c’est également une notion exploitée par beaucoup de courants qui mettent en avant le « moi » de l’individu : je me développe, je me perfectionne, par mes seules forces…
Ainsi l’invité de cette nouvelle édition du débat chrétien de Les Maux de ma foi donne l’exemple de l’ennéagramme monastique ( un outil d’auto-connaissance de soi en rapport avec les autres) qui est une pratique venant des monastères, de la communication non violente et qui sont des choses positives. Mais, nuance-t-il, tout ceci est important lorsque le « moi » n’est pas mis au-dessus. Le « moi » doit donc être reçu comme un don de Dieu, qui en nous agit et nous aide à nous développer. « Car c’est Dieu qui bénit, et qui donne la grâce » a-t-il souligné. « Autrement on tombe dans le New Age, c’est-à-dire cet imbroglio de philosophies où on exalte le « moi » contre Dieu. Le moi se reçoit de Dieu. Dans cette école de vie d’intériorité, on apprend donc à valoriser ce que Dieu donne et à trouver sa joie dans ce que Dieu a déjà donné » a remarqué l’invité.
Comment retourner à l’intérieur de son cœur ?
Le père Marc Hounon, prêtre béninois, a rappelé le modèle de la vie monastique. Ce modèle, parmi d’autres, est une forme de vocation qui appelle à se retirer en soi, à se détacher et à entrer dans une vie d’amitié avec le Christ. Dans un cadre commun à tous les baptisés, le Principe et la Fin de toute vie d’intériorité, c’est d’abord le Christ lui-même. « C’est lui qui nous conduit dans cette vie d’intériorité et nous fait nous développer » a-t-il expliué.
Pour l’invité, la lectio divina ( c’est-à-dire la méditation de la Parole de Dieu, de ce que Dieu nous dit de Lui-même ) peut se révéler être une très bonne méthode pour aller dans une vie d’intériorité toujours plus riche. Ainsi la relation à Dieu est suspendue à une contemplation. Les invocations jaculatoires ou brèves sont également des exercices importants qui habituent notre esprit à ne parler qu’à Dieu. « Le cadre s’avère donc très important : en retrait aux bruits et dans le silence. D’où l’importance de certains lieux comme les monastères, les chapelles, la présence du Saint Sacrement puis la sainte messe qui est vraiment le lieu par excellence où nous devrions vivre l’intériorité avec le Christ » a-t-il remarqué.
Une vie d’intériorité développée à l’ombre du Christ fait des hommes des personnes habitées par « l’inhabitation de l’Esprit-Saint. On réalise des choses qui nous dépassent et révèlent ainsi Dieu : « Je peux tout en celui qui me donne la force. » (Philippiens 4,13). « La vie intérieure donne la force intérieure, la lumière intérieure pour discerner. C’est une transformation qui rend plus humble, plus humain, plus accessible aux autres et éloigne de la superficialité » a-t-il insisté.
L’intériorité responsable est tout le contraire du nombrilisme d’un petit moi recroquevillé sur lui-même. Elle est une démarche d’enracinement intérieur avec le Christ pour mieux s’ouvrir aux autres dans la diversité. « Enracinons-nous dans le Seigneur, que Dieu nous suffise, que Dieu nous rassasisse » a conclu le père Marc HOUNON à l’endroit des jeunes.
Abraham KOUMASSA