Dans une époque de scepticisme philosophique, Blaise Pascal, philosophe français est apparu comme un chercheur de sens et de la vérité. A l’occasion de la célébration du quatrième centenaire de sa mort, le Pape François publie une lettre apostolique sur la figure de ce chrétien. Le Souvrain Pontife le définit comme » infatigable chercheur de vérité qui, en tant que tel, reste toujours “inquiet”, attiré par de nouveaux et futurs horizons. »
Grandeur et misère
Dans cette lettre apostolique datant du 18 juin 2023 et intitulée » Sublimitas et Miseria Hominis » ( Grandeur et Misère de l’homme » le Pape François fait l’éloge d’un philosophe et scientifique chrétien, Blaise Pascal. » Né il y a quatre siècles, le 19 juin 1623, à Clermont, dans le centre de la France », le philosophe, pour le Pape, n’a jamais cessé de s’intéresser à la question de l’homme dans sa condition d’être créé : » Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, le fils de l’homme pour que tu prennes soin de lui ? » ( Ps 8, 5).
Le Pape découvre dans l’attitude de ce » chercheur de Dieu » ce qu’il appelle » une ouverture étonnée à la réalité « . » Ouverture aux autres dimensions du savoir et de l’existence » écrit l’évêque de Rome avant de poursuivre : » Il est touchant de constater que, dans les derniers jours de sa vie, un penseur aussi brillant que Blaise Pascal ne voyait pas d’autre urgence que de mettre son énergie au service de la miséricorde : « L’unique objet de l’Écriture est la charité. » Le Pape souligne la dimension universelle d’une aspiration du cœur de l’homme au » vrai bonheur » à partir de l’expérience de Blaise Pascal. Il reste donc un compagnon de route vers la recherche du vrai bonheur.
» Nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus‑Christ »
Le Pape revient sur des affirmations fortes du philosophe pour qui » en dehors de Jésus-Christ, nous ne savons ce que c’est ni que notre vie ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous‑mêmes. » L’amour de Dieu a donc fortement façonné les Pensées du philosophe, explique le Successeur de Pierre. » Ainsi sans l’Écriture, qui n’a que Jésus‑Christ pour objet, nous ne connaissons rien et ne voyons qu’obscurité » affirme le Pape, reprenant les paroles de Pascal. Mais cette affirmation, souligne le Souverain pontife, mérite d’être éclairée si on ne souhaite pas qu’elle soit » regardée comme une pure affirmation doctrinale inaccessible à ceux qui ne partagent pas la foi de l’Église, ni comme une dévaluation des compétences légitimes de l’intelligence naturelle ».
Le Pape rappelle dans sa lettre, que la foi suppose une rencontre du vrai Dieu, et que, à ce titre, elle n’est pas une donnée abstraite à la manière des données des philosophes. » Nous devons, comme chrétiens, écrit-il, nous tenir éloignés de la tentation de brandir notre foi comme une certitude incontestable qui s’imposerait à tous. Pascal avait certes le souci de faire connaître à tous les hommes que « Dieu et le vrai sont inséparables ». [6] Mais il savait que l’acte du croyant est possible par la grâce de Dieu, reçue dans un cœur libre. Lui qui par la foi avait fait la rencontre personnelle du « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants », [7] avait reconnu en Jésus-Christ « le Chemin, la Vérité et la Vie » ( Jn 14, 6). C’est pourquoi je propose à tous ceux qui veulent continuer de rechercher la vérité – tâche qui en cette vie n’a pas de fin –, de se mettre à l’écoute de Blaise Pascal, un homme à l’intelligence prodigieuse qui a voulu rappeler qu’en dehors des visées de l’amour il n’y a pas de vérité qui vaille ( …).
Par la même occasion, le Pape exhorte d’éviter de faire une idole de la vérité, elle-même. » Car la vérité hors de la charité n’est pas Dieu, et est son image et une idole qu’il ne faut point aimer ni adorer » déclare-t-il. Blaise Pascal, cite toujours le Saint-Père, reconnaît les efforts et les limites de l’intelligence humaine. Il était préoccupé par comment transmettre la foi à ceux qui n’en ont pas et, ce faisant, recourir au » raisonnement en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur ». Le philosophe reconnaît les limites de la raison créée, mais qui distingue l’homme des autres êtres, car « l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant ». Le philosophe, pour le Pape, montre aussi les limites d’une raison qui prend des idées pour le tout de la réalité . Blaise Pascal nous apprend ainsi, explique-t-il, à nous tenir éloigné des « diverses manières d’occulter la réalité », depuis les « purismes angéliques » jusqu’aux « intellectualismes sans sagesse ». [24] Rien n’est plus dangereux qu’une pensée désincarnée : « Qui veut faire l’ange, fait la bête ». [Le philosophe reconnaît aussi l’attrait pour le » divertissement » chez l’homme et qui, d’après les explications de la lettre apostolique, lui viendrait du sentiment de sa misère et de l’incertitude de sa destinée. Pour Pascal, l’homme supporte difficilement cela pendant que sa raison cherche à dompter ses passions et à lui conférer une certaine grandeur. Le Saint-Père évoque donc le paradoxe des Pensées de Pascal puisé de l’expérience de l’homme. » C’est alors que, conclut le Pape, Pascal pose sa grande hypothèse : « Qu’est-ce donc que nous crie cette avidité et cette impuissance sinon qu’il y a eu autrefois dans l’homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace toute vide et qu’il essaye inutilement de remplir de tout ce qui l’environne, recherchant des choses absentes les secours qu’il n’obtient pas des présentes, mais qui en sont toutes incapables parce que ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, c’est-à-dire que par Dieu même ». [32]
A mesure que l’on a de lumière on découvre sa grandeur et sa misère
Blaise Pascal se tourne vers la Révélation de Dieu. Pour le philosophe, rappelle l’évêque de Rome, ce n’est qu’en Dieu que nous trouvons des réponses à nos questionnements. Blaise Pascal a compris que la Vérité de la Révélation ne s’ippose pas » aux requêtes de la raison » précise le document. » Elle apporte aussi la réponse inouïe à laquelle nulle philosophie n’aurait pu arriver par elle-même » poursuit le Souverain pontife dabs sa lettre. Le Pape fait aussi allusion à l’expérience de la » Nuit de feu » de Pascal. Cette expérience est celle de la rencontre et remonte 23 novembre 1654. » S’il est impossible de savoir exactement quelle est la nature de ce qui s’est passé dans l’âme de Pascal cette nuit-là, il apparaît qu’il s’agit d’une rencontre… » précise la lettre. Et au Pape d’ajouter que cette expérience est devenue pour Blaise Pascal » le lieu de la confession et de la prière ». L’expérience de Blaise Pascal, remarque-t-il, aide la raison à se libérer de toutes formes d’autoréférencialité. » Comme toute conversion authentique, la conversion de Blaise Pascal se joue dans l’humilité qui nous délivre « de notre conscience isolée et de l’autoréférence » souligne le Successeur de Pierre.
Pascal et son rapport avec le Jansénisme
Le Pape réserve, dans sa lettre, une partie sur la querelle opposant les Jésuites ( les prêtres de la Compagnie de Jésus) et les Jansénistes ( les disciples de Cornélius Jansen, un évêque ). » La querelle portait principalement sur la question de la grâce de Dieu, et sur les rapports de la grâce et de la nature humaine, en particulier son libre-arbitre: explique le Pape. Dans les détails, le Pape situe le contexte de la controverse théologique éclatée à la Sorbonne ( France). Selon cette doctrine de Jansénius, c’est Dieu qui choisirait par avance ceux qui iront au Ciel et ceux qui n’y iront pas. Aussi fait-elle fie de la liberté de l’homme dont la nature, selon cette doctrine, serait totalement incapable de bien. Un certain rigorisme naîtrait de là en réaction contre le laxisme des Jésuites molinistes. Pascal a été sollicité par les Jansénistes à entrer dans la querelle afin de les défendre. Ce qu’il fit en 1656-1657 en publiant Les Provinciales, une série de dix-huit lettres, précise le Pape. Comme le rrconnaitra Blaise Pascal, certaines de ses affirmations ne seront pas en cohérence avec la Vérité de la foi. Par delà la controverse dont se démarque toutefois Blaise Pascal, la Lettre apostolique rappelle le cadre général de cette querelle. Comme l’écrit le Pape, puisque » saint Augustin avait voulu combattre au V e siècle les Pélagiens, lesquels affirmaient que l’homme peut, par ses propres forces et sans la grâce de Dieu, faire le bien et être sauvé, Pascal crut sincèrement s’attaquer alors au pélagianisme ou au semi-pélagianisme qu’il croyait identifier dans les doctrines suivies par les Jésuites molinistes, du nom du théologien Luis de Molina, mort en 1600 mais à l’influence encore vivace au milieu du XVII e siècle. Faisons-lui crédit de la franchise et de la sincérité de ses intentions » en conclut le Saint-Père.
Le Pape s’interesse à l’actualité des positions de Blaise Pascal dans un contexte où nous sommes tentés de penser que le Salut nous est garanti par nos seules forces. Ce qui nous invite à l’humilité et à l’accueil du don de Dieu. Ce fut le témoignage de Blaise Pascal qui, selon des témoignages rapportés par le Pape, mourut » pacifié » le 19 août 1662.
Le Cercle de réflexion et d’évangélisation Les Maux de ma foi