Composante de l’expérience de la vie, la peur reste l’une des plus grandes causes d’échecs dans la société aux dires du Révérend père Augustin Marie Togbé, franciscain de l’Immaculée conception et invité de la 45ième édition du débat bimestriel du Cercle de Réflexion et d’Evangélisation Les Maux de ma foi, Samedi 15 Janvier 2022 au centre Saint-Paul VI de Cotonou (Bénin).
La peur est une réponse
Partant d’une définition classique identifiant la peur comme un sentiment de frayeur et une émotion déplaisante, intense en réponse à une menace, l’invité a exposé les mécanismes qui sous-tendent ce phénomène. Pour lui, le sentiment de la peur est le fruit d’un stimulus que l’on reçoit à travers les sens. Il s’en suit une réaction physiologique qui nous prépare à combattre ou à fuir devant une menace.
Sur le plan psychologique, rappelle l’invité, la peur est, tout simplement, ce sentiment qui surgit en nous, à l’approche d’un phénomène angoissant et qui semble difficile à surmonter. Elle est à l’opposé du sentiment de l’espoir qui est une attente joyeuse d’une récompense future. La peur est chassée par l’espoir, qui se substitue alors à lui.
La sainte crainte de Dieu n’est pas la peur
Lorsque nous nous tournons vers la religion, nous parlons de la Sainte Crainte de Dieu, qui est un don du Saint-Esprit. Souvent utilisée comme apparentant à la peur, la crainte de Dieu, elle, n’est pas la peur, a souligné le père Marie Augustin. Cependant, dans le langage courant, il y a une échelle hypothétique qui tend à placer la crainte à l’égale d’une émotion plus légère que la peur. Et la peur à un niveau inférieur à la terreur.
« La Sagesse commence avec la crainte du Seigneur ! » ( Proverbe 1, 7 ) et « Lorsque nous sommes envahis par la crainte de Dieu, alors nous sommes portés à suivre le Seigneur avec humilité, docilité et obéissance » remarque le père Marie Augustin , citant le pape François. (audience générale à la place Saint-Pierre le mercredi 11 juin 2014)
Ainsi, la sainte crainte de Dieu permet de garder le juste rapport entre détachement et proximité de Dieu. Elle rapproche de Dieu, permet de lutter contre l’orgueil et est une source de nombreuses bénédictions, a-t-il précisé.
Les origines de la peur et la nature de ses fruits
La Bible dit que la peur est le premier fruit du péché originel. Elle est entrée en l’Homme après le péché d’Adam et Ève: « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. » Genèse 3,7
Dans la vie du chrétien, on peut identifier les causes extérieures de la peur au sentiment d’insécurité face à des événements futurs immaitrisables, à des aspects à mystères de nos traditions, et liés à des pratiques ou à des croyances endogènes, note le père Marie Augustin. Pour lui, il existe également des causes intérieures: des causes psychologiques, des causes spirituelles, des causes étiologiques face à des maladies graves, chroniques ou saisonnières, puis l’ignorance.
La peur , dans ces diverses expressions, poursuit-il, est aussi symptomatique d’une absence de vie de foi et de confiance en Dieu. Elle fait de l’homme le siège des doutes, entraine la tentation d’aller voir ailleurs, la dégoût de la prière, la tiédeur spirituelle. Dans la vie sociale, professionnelle, elle est l’origine d’un climat de méfiance. Elle est mauvaise conseillère, paralyse, fausse les réalités, décourage l’initiative, pousse à remettre au lendemain et à l’inaction, a-t-il insisté.
Dominer l’objet de la peur et s’en libérer, c’est possible.
Aux préoccupations de jeunes présents à cette conférence-débat, et qui s’interrogent sur la possibilité d’une prédisposition de certaines personnes à la peur, le père Marie Augustin a répondu par l’affirmatif en évoquant des raisons cliniques, morales et culturelles qui pourraient fonder cette prédisposition.
S’appuyant sur la Parole de Dieu, » Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Romain 8,15) , ou Romain 8, 38 et 39 et l’histoire de David et de Goliath, le Père Marie Augustin a montré aux jeunes auditeurs que s’en remettre à Dieu, est la réponse ultime à la peur sous toutes ses formes. La force du chrétien lui venant de Dieu, il peut dominer l’objet de la peur est s’abandonnant à Dieu. « Il faut du courage. Un courage qui n’est pas négation de la réalité. Un réalisme chrétien qui permette de reconnaître l’obstacle, la difficulté, et de surmonter la peur qu’il provoque. Elle n’est pas synonyme de témérité.» nuance-t-il toutefois. Il invite les jeunes à oser, à créer autour de soi une atmosphère de louange, d’actions de grâce, à être optimiste, à agir malgré la peur et ne pas rester dans l’inertie, et à discipliner ses pensées.
Aussi, la situation d’une personne avec l’emprise d’esprits mauvais ne peut être objet de jugement de valeur extérieure. Elle requiert donc discernement. Le discernement suppose ainsi cet exercice promu par saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie des Jésuites, et qui vise à comprendre l’esprit qui dirige une action donnée. Et pour aiguiser le sens de discernement, il faut une une vie de prière, rester imprégné de Dieu, et assidu à la fréquentation des sacrements notamment la pénitence et l’eucharistie, à la pratique des vertus chrétiennes tel que l’humilité, la prudence, la tempérance et la patience, l’étude de la parole de Dieu, des pères de l’Eglise.
Le père Marie Augustin Togbé conclut en ces termes : « Les chrétiens en général et les chrétiens africains en particulier ont une grande mission dans le monde, un grand défi. Le défi d’une bonne gestion de nos peurs, surtout la peur des forces occultes. Les peurs ancrées dans le subconscient ou qui minent le passé. Il est possible, non seulement de réduire, mais d’éradiquer totalement toutes peurs de la vie du chrétien ».
Abraham KOUMASSA