Les Maux de ma foi aborde, de nouveau, ce thème sur la représentation des statues et des images, objet de polémique parfois fondée sur un long héritage idéologique issu des Réformes, notamment du calvinisme.
Le problème des images et statues
Pour aborder cette question, les spécialistes nous proposent d’éviter des polémiques inutiles. Ce conseil ne dispense pas d’éclairer les personnes qui soutiennent que « vénérer » les statues et images des saints serait de l’idolâtrie. L’idolâtrie suppose le fait de détourner le culte dû à Dieu seul vers d’autres objets.
Dans le calvinisme, par exemple, le courant issu de Calvin, une figure du protestantisme, l’image est soupçonnée d’être l’idole dont il faut se méfier, voire qu’il faut combattre. L’interdit biblique du second commandement « Tu ne te feras pas d’images… » est donc pris à la lettre ici, constatent les spécialistes. Pour Luther, le Réformateur qui lui est pourtant de loin le plus favorable, les images relèvent des adiaphora, c’est-à-dire des objets secondaires, indifférents aux questions de foi. A l’origine de ces positions, il y a une tendance fondamentaliste qu’il convient d’éclairer.
Le non-lieu du débat
Les textes bibliques interdisant toutes représentations d’images ou bien de statues taillées exigent, rappellent les spécialistes, qu’on les situe dans leur vrai contexte. Ainsi, il y a trois références significatives : Exode 20,4-5, Deutéronome 5,8-9a et Lévitique 19,4. « Tu ne te feras pas d’idole ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici–bas ou dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux… » interdit Dieu dans Ex 20, 4-5. Les personnes qui s’attaquent à la vénération du crucifix, d’une image de Marie ou bien d’un saint s’appuient d’ordinaire sur ces versets bibliques.
Mais curieusement, constatent certains, ces mêmes personnes n’arrivent pas à expliquer pourquoi Dieu autorise encore dans la Bible de tailler des objets et des images. Or il avait interdit cela. Face à cette dyscrépance, les biblistes nous mettent en garde de croire que Dieu se contredirait. En réalité, explique le Père Benoît Kouassi, « les Israélites étaient à cette époque des gens très primitifs que Dieu cherchait à faire sortir du polythéisme pour les conduire vers le monothéisme. » Dieu le faisait de manière méthodique donc. Il ne brusquait pas les étapes, éclairent des études historiographiques.
Pourquoi la polémique sur les représentations des images et statues revient fréquemment ?
Selon le Père Théodore Agbozo, prêtre béninois, c’est à cause d’une attitude fondamentaliste. Celle-ci ne permet pas d’interpréter les versets bibliques selon le contexte du récit, les figures littéraires de l’écrivain sacré et les données scientifiques disponibles. Or, il est fondamental d’étudier la Bible comme une discipline pour éviter de se comporter en intégriste, c’est-à-dire, en quelqu’un qui prend les versets de la Bible à la lettre, préviennent les spécialistes. Ainsi, si on reconnait que Dieu a interdit toutes représentations de statues dans certains versets, avec la même pédagogie, il a autorisé « finalement » de représenter des chérubins en Exode 25,10-22.
D’ordinaire, ceux qui reprochent aux catholiques de « vénérer » un crucifix ou une image de Marie ne font pas allusion à ces versets, en même temps qu’ils confondent « vénérer » et « adorer ». « Bien curieux ! » s’exclame Nicole, la vingtaine. Elle ne comprend pas pourquoi mention est rarement faite des versets autorisant des représentations.
Le même ordre est donné à Moïse en Dt 10,1 : « Fais-toi une arche de bois. » Au verset 3, Moïse obéit : « Je fis une arche en acacia. » N’est-ce pas Moïse qui avait donné la loi : « Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous terre » au peuple ? N’est-ce pas le même Moïse qui avait fait l’arche en bois d’acacia ? Ou bien l’arche en bois d’acacia n’a pas la forme de « ce qui se trouve au ciel, sur terre ou dans les eaux »?
Dans le serpent d’airain est déjà annoncé le symbole de la croix victorieuse
C’est dans un contexte de fléau que Dieu ordonna à Moïse de dresser le serpent d’airain pour sauver son peuple, relèvent les théologiens. Dans Nb 21, 8-9, par exemple, Dieu permet et recommande une représentation d’image sculptée. « Quel sens donner à cette représentation ? Pour le savoir, lisons le livre de la Sagesse, explique le Père Benoît Kouassi : « Et même lorsque s’abattit sur eux la fureur terrible de bêtes féroces, (…) ils avaient un signe de salut pour leur rappeler le commandement de ta loi, car celui qui se tournait vers lui était sauvé, non par ce qu’il avait sous les yeux, mais par toi le sauveur de tous » (Sg 16,5-7). La représentation du serpent d’airain n’était qu’un signe de Dieu qui est, Lui, le seul sauveur, ajoute-t-il.
Le regard du chrétien orienté vers la croix du Christ mort et ressuscité traduit cette ferme assurance que c’est dans la passion, mort et résurrection du Christ que nous sommes sauvés, expliquent les spécialistes. A l’heure des épreuves, si le chrétien a la capacité de puiser en Dieu la force de rester fidèle à son baptême, c’est bien parce que il comprend le sens de la Croix pour lui.
Une personne qui ignore la vérité de la Croix dans la vie du chrétien, appuient d’autres spécialistes, fuient ou démissionnent. « C’est ici que certaines gens se moquent de Dieu ou bien affirment que Dieu n’existe pas, parce que ils ont toujours nié la souffrance et ont toujours vu en Jésus un thaumaturge et un magicien. » Et pourtant, « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. » recommande Jésus.
Lionel Azelokonon