Une longue réflexion a été publiée le 29 mai 2023, jour de la Solennité de la Pentecôte, par le Dicastere- équivalent de ministère- pour la communication sur la Présence de l’Eglise sur les réseaux sociaux. Il s’agit de penser une culture de bon voisinage à partir d’une question centrale, inspirée du témoignage du bon Samaritain dans les evangiles : ‘ Qui est mon prochain ? » Ce document, comme le rappelle le Dicastere pour la communication, ne vise pas à proposer à des créateurs de contenu chrétiens une » stratégie » afin d’atteindre plus de » j’aime » ou plus de » followers « ; mais à rappeler principalement un » style distinctif » ( IV) de présence de l’Eglise sur les réseaux sociaux.
L’Avènement du Web 5.0
Cette réflexion à laquelle ont participé » des experts, des enseignants, des jeunes professionnels et leaders, des laïcs, des membres du clergé et des religieux » se veut un outil, capable de favoriser des » relations pacifiques » sur les réseaux sociaux. C’est un document dans lequel le Dicastère pour la communication a livré aussi des reflexions sur des bienfaits et acquis du numérique. C’est, selon le document, un lieu où les réseaux sociaux promeuvent le » partage social », et oû sont promus le rapprochement du monde, la création et le partage d’idées par chacun.
Par la même occasion, un intérêt particulier est accordé à la notion de » l’intelligence artificielle « . Les impacts d’une telle révolution du robotique sur l’expérience humaine sont passés en revue. Le document cite explicitement des » capteurs » capables de mesurer nos états émotifs, des » machines » capables de répondre à nos questions, de capitaliser des données à partir d’informations disponibles ou bien de reprendre des voix ou des expressions de » personnes décédées » ( Paragraphe 8). » Dans cette réalité en constante évolution, de nombreuses questions restent cependant sans réponse » reconnaît le document.
Dans cette réflexion pastorale du Dicastère pour la communication, on retrouve aussi un intérêt particulier accordé à ceux que le document appelle des » migrants numériques « . Ce sont ceux qui, dans cette révolution, essaient de s’adapter tant bien que mal à ce mouvement de transfert d’une part de notre expérience sur des réseaux sociaux. Il y a aussi une nouvelle catégorie de personnes que le document prend en compte. Il s’agit des » enfants du numérique « . Ils naissent dans une culture du numérique.
Le monde numérique serait-il une terre promise ?
Le document reconnaît des écueils dans cette vaste promesse du numérique de créer des partages et des liens fraternels entre les personnes. Il parle de » fractures numériques « . En réalité, le progrès dans ce domaine va plus vite que la résolution des problèmes d’accès aux soins, à l’habillement, au logement et à l’information.
» Aujourd’hui, on ne peut pas parler de “réseaux sociaux” sans considérer leur valeur commerciale, c’est-à-dire sans prendre conscience que la véritable révolution s’est produite lorsque les marques et les institutions ont réalisé le potentiel stratégique des plateformes sociales, contribuant à une consolidation rapide des langages et des pratiques qui, au fil des ans, a transformé les utilisateurs en consommateurs » regrette le document.
Les utilisateurs de ces plate-formes deviennent donc à la fois « consommateurs » et « marchandises ». Car » des données et des profils », peut-on lire, sont vendus à d’autres entreprises. Le document attire ainsi l’attention sur les conditions dans lesquelles des » termes de l’accord » sont acceptés sans que l’utilisateur d’une plate-forme ne » lise ni ne comprenne généralement » les termes d’un tel accord. ( paragraphe 13).
Il devient aussi difficile, rappelle le document, de vérifier les » sources et l’exactitude des informations qui circulent numériquement » ( paragraphe 14). Le document met davantage en lumière la capacité des algorithmes de l’intelligence artificielle de déterminer constamment un environnement numérique en fonction de nos préférences, nos goûts, nos habitudes, » nos absences et distractions, pauses et durées d’attention » ( paragraphe 14). C’est le problème des » bulles de filtres”. Cela pourrait empêcher d’accepter le » prochain » dans ses différences » avertit le document « . A ce rythme, » les discours agressifs et négatifs se propagent facilement et rapidement, offrant un terrain fertile à la violence, aux abus et à la désinformation » poursuit le document ( paragraphe 16).
Travailler à » tisser des relations «
Le document plaide pour une complémentaire entre » univers numérique » et » rapports physiques « . Pour ce faire, la réflexion propose de méditer sur la figure de l’homme blessé de l’Evangile au secours de qui vient le bon Samaritain. En réalité, souligne le document, » le long des autoroutes numériques, de nombreuses personnes sont blessées par la division et la haine. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’existait pas. Nous ne pouvons pas être de simples passants silencieux » . Des phénomènes d’indifférence et d’extrémisme sont définis en terme de » culture de rébus » par le document. Il propose, en lieu et place, une » culture de la rencontre« . ( Paragraphe 19). Il s’agit donc de tendre la main à l’autre, même s’il ne partage pas le même point de vue que moi.
Cette réflexion sur l’engagement de l’Eglise sur les réseaux sociaux insiste sur la capacité de l’écoute, et du discernement de la Vérité, menacée par le numérique. Le document encourage donc une approche » contemplative » qui consiste à écouter avec le » cœur « .
» Un engagement à l’écoute sur les réseaux sociaux devient donc un point de départ fondamental pour évoluer vers un réseau qui ne concerne pas tant les octets, les avatars et les “j’aime” que les personnes. De cette façon, nous passons de réactions rapides, d’hypothèses trompeuses et de commentaires impulsifs à la création d’opportunités de dialogue, posant des questions pour en savoir plus, faisant preuve d’attention et de compassion, et reconnaissant la dignité de ceux que nous rencontrons. » ( paragraphe 37).
Le document recommande donc l’écoute de la Parole de Dieu dans l’univers du numérique, car il s’agit de rencontrer une » Personne », Jésus-Christ plutôt que de prendre seulement connaissance de simples informations.
Rencontre personnelle et communautaire
Le document rappelle que l’adhésion à la Vérité fonde la dynamique d’une communauté. Il invite ainsi à surmonter le clivage » numérique » vs » présence physique » et à postuler pour une complémentarité à la manière des Apôtres Jean ( cf. 2 Jn 12). et Paul ( cf. Col 4:15-16) à travers leurs lettres adressées à des communautés. » Les relations communautaires sur les réseaux sociaux doivent renforcer les communautés locales et vice versa« . soutient le document. ( paragraphe 47). Et de poursuivre :
» L’utilisation du web social est complémentaire d’une rencontre en chair et en os qui s’anime à travers le corps, le cœur, les yeux, le regard et le souffle de l’autre. Si le Net est utilisé comme une extension ou une attente d’une telle rencontre, alors le concept de réseau n’est pas trahi et reste une ressource pour la communion”.
La rencontre dans un » face-à-face » comme Jésus rencontrant Zachée devient alors capitale. Le document évoque des attitudes de » proximité, de compassion et de tendresse » comme trois caractéristiques d’un style de présence sur les réseaux sociaux qui conduit a faire l’expérience d’une rencontre incarnée avec Jésus-Eucharistie. Ainsi « pour communiquer le bien, nous avons besoin d’un contenu de qualité, d’un message qui vise à aider, pas à nuire; à promouvoir l’action positive, pas à perdre du temps en discussions inutiles.. » ( Paragraphe 66). Le document avertit aussi sur » des partages de contenu chrétien qui crient depuis l’écran et sont en contradiction avec l’Évangile lui-même. » ( Paragraphe 50). Car il s’agit de témoigner sur les réseaux sociaux de Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » à qui nous nous unissons à chaque Eucharistie.
Les Maux de ma foi