Pendant une discussion sur le « purgatoire », Sosthène s’aperçoit que mention n’est presque pas faite de cette réalité surnaturelle dans la Bible de son interlocuteur. Pourquoi cette différence entre une Bible catholique et une Bible protestante ?
Un constat récurent
« A plusieurs occasions, en m’entretenant avec un frère d’une autre confession chrétienne sur Marie, la papauté ou bien sur le purgatoire, partage Pierrot Assin, catéchiste dans sa paroisse, je me suis aperçu que aucune référence n’est faite de ces réalités dans une Bible protestante et je ne comprends pas pourquoi » écrit-il aux Maux de ma foi. Avant lui, c’est Edwige qui s’étonnait que Laurent, son ami, ne la comprenne pas lorsqu’elle le renvoie dans la Bible pour lui montrer, par exemple, ce que c’est un « purgatoire ». « C’est une invention… » rétorque-t-il souvent, rapporte Edwige, toute bouleversée.
A vrai dire, expliquent les biblistes consultés, c’est que « le canon ou la Bible catholique contient 46 livres dans l’Ancien Testament et 27 dans le Nouveau Testament ». Or, les frères les séparés, s’ils ont aussi 27 livres dans le Nouveau Testament, ils n’ont pas, en revanche, les 46 livres de l’Ancien Testament, nous expliquent les spécialistes. On compte donc 39 livres dans l’Ancien Testament chez les protestants, par exemple. D’où cette différence entre la Bible catholique et la Bible protestante.
Les raisons immédiates de cette différence
Sept livres, sont présents dans l’Ancien Testament de la Bible catholique, mais absents de la Bible protestante auxquels se réfère tout le courant néo-pentecôtiste ou « évangélique » issu des Réformes, expliquent les spécialistes. Ces livres portent le nom de « deutérocanoniques » (du deuxième canon) et les protestants, les appellent « apocryphes ».
Les racines de cette différence remontent à Luther, moine allemand de l’ordre des augustiniens, prêtre catholique puis réformateur au XVI ème siècle, expliquent des biblistes. Ils vont plus loin, dans les recherches, en plongeant dans la vaste étude de ce qu’ils appellent « le canon juif ». relié à la communauté juive de Palestine.
Le problème historico-théologique
L’hébreu, la langue couramment parlée par les Juifs de Palestine bien avant la destruction de l’État juif, est à l’origine du débat sur cette différence, relèvent des sources. « Les juifs n’acceptèrent que les livres sacrés dont les originaux étaient écrits en hébreu ou en araméen », souligne le Père Carlos Orduna, spécialiste de la question. En réalité, l’Hébreu était considéré comme « la langue sacrée » par opposition à une langue étrangère, comme « la langue grecque » considérée, elle, comme étant « non juive », donc païenne.
Ce qui explique que tous les livres inspirés, notamment les 7 livres rédigés en grec et provenant de la communauté juive d’Alexandrie, en Egypte, sont rejetés par les Juifs de Palestine. Or, d’un point de vue historique, précise le Père Carlos Orduna, les juifs en Égypte ( hors de Palestine) ne comprenaient plus l’hébreu, car depuis longtemps ils avaient adopté le grec, qui était la langue officielle de tout le Proche-Orient. Ils étaient cependant restés attachés aux traditions de leurs pères.
Lors des réunions religieuses, dans leurs synagogues, ils utilisaient donc une traduction grecque de la Sainte Écriture qui était celle des Septante, réalisée presque miraculeusement par 70 sages entre les années 250 et 150 avant le Christ, expliquent des historiens. La traduction grecque des Septante ( 70) comprenait donc les 39 livres du canon palestinien, Canon hébreu,( dont s’inspirent les protestants), plus d’autres livres en grec. C’est ainsi que fut formé le fameux Canon d’Alexandrie, avec un total de 46 livres sacrés, dans le Nouveau Testament, laisse entendre le Père Carlos Orduna.
Ainsi, les livres de Judith, de Tobie, de la Sagesse, du Siracide, de Baruch (comprenant la Lettre de Jérémie) et les deux livres des Macchabées – de même que des passages grecs des livres de Daniel et d’Esther – ne sont pas vus par les protestants comme divinement inspirés au même titre que les 39 livres de la bible hébraïque. Et pourtant, en 1947, des archéologues découvrirent à Qumran (Palestine) des textes très anciens et parmi eux des livres de Judith, Baruch, Siracide et 1 Maccabées écrits en hébreu, et du livre de Tobie en araméen. « Cela veut dire que seuls les livres de la Sagesse et 2 Maccabées furent rédigés en grec. Ainsi, le refus d’accepter ces 7 livres parce qu’ils avaient été écrits en grec n’est plus valide, concluent les spécialistes.
Lionel Azelokonon