Vers la moitié du IVème siècle, ou plus exactement, autour des années 380-390, un moine ascète britannique Pélage commence à Rome une prédication. Auprès d’un groupe d’aristocrate, explique le Père AnacletLisboa, prêtre béninois, il forme autour de lui une « élite de la vertu ». Pélage, enseigne que, grâce à son libre arbitre, tout chrétien peut atteindre la sainteté par ses propres forces. C’est le début d’une erreur doctrinale qui porte le nom du « pélagianisme ». Dans son Exhortation apostolique La joie de l’Evangile, le Pape François souligne l’erreur de cette hérésie. Selon le Pape, celle-ci existe encore à notre époque, sous la forme d’un » néopelagianisme ».
L’erreur du pélagianisme
Selon les spécialistes de saint Augustin, , saint Augustin fut le premier à rappeler à Pélage que la Miséricorde de Dieu n’est pas une œuvre » d’exploits » personnels, mais de la grâce de Dieu. Dans la pensée de Pélage. explique le Père Anaclet Lisboa, prêtre du diocèse de Cotonou ( Bénin), c’est seulement par ses propres efforts que l’homme parvient à la sainteté. La grâce de Dieu, selon Pélage, n’y joue pratiquement aucun rôle. Sous l’impulsion de saint Augustin, lui-même témoin de l’amour de Dieu, le Concile de Carthage, en 418, déclare solennellement que » à cause du péché originel, la grâce divine est absolument nécessaire pour faire le bien. Il condamne Pélage et « quiconque dit que (…) si la grâce n’était pas donnée, nous pourrions pourtant, quoique avec moins de facilité, observer sans elle les commandements de Dieu ».
Cette hérésie de Pélage a donné naissance à un groupe d’aristocrates qui s’estimaient plus « vertueux » et « supérieurs » aux autres. La condamnation de l’hérésie pélagienne, précisent des historiens, sera réitérée par le Concile d’Ephèse en 431, car elle a continué à se répandre. Le débat va se perpétuer au cours des siècles. Aujourd’hui, le Catéchisme de l’Église catholique rappelle qu’« à l’égard de Dieu, il n’y a pas, au sens d’un droit strict, de mérite de la part de l’homme » et que « l’initiative appartenant à Dieu dans l’ordre de la grâce, personne ne peut mériter la grâce première, à l’origine de la conversion, du pardon et de la justification » (§2007 et 2010). » Cette initiative première de Dieu de sauver l’homme requiert donc une libre coopération entre la grâce et la nature, car Dieu respecte le libre-arbitre de l’homme », explique le Père Théodore Agbozo, prêtre du diocèse de Cotonou ( Bénin).
Pourquoi le » néopélagianisme » ?
Dans la ligne de son Exhortation apostolique La joie de l’Evangile, le Pape François rappelle que » Dieu nous précède toujours sur le chemin ». Dès son Exhortation apostolique, il a ainsi invité à éviter » le néopélagianisme autoréférentiel et prométhéen de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique justement propre au passé » (§94). Selon plusieurs spécialistes de saint Augustin, le pélagianisme est un courant d’erreur qui illustre un modèle de rapport du « pharisien’ avec le ‘publicain ». Pendant que celui-ci doigtait le publicain et disait superbement qu’il n’est pas comme cet homme-là, le publicain, rapporte l’Evangile, n’osait pas élever les yeux vers le ciel. (Lc 18, 9-14).
Courant février 2018, la lettre Placuit Deo de la Congrégation pour la doctrine de la foi explicitait les propos du pape en soulignant combien « notre époque est envahie par un néopélagianisme, qui donne à l’individu, radicalement autonome, la prétention de se sauver lui-même, sans reconnaître qu’au plus profond de son être, il dépend de Dieu et des autres ». Ce que le pape François a souligné une nouvelle fois dans son exhortation Gaudete et exsultate, sur la sainteté. Il y regrettait que les néopélagiens font « passer l’idée que tout est possible par la volonté humaine, comme si celle-ci était quelque chose (…) de tout-puissant, auquel s’ajoute la grâce » (§49). Or celle-ci, prévient l’évêque de Rome « ne fait pas de nous, d’un coup, des surhommes » : « le prétendre serait placer trop de confiance en nous-mêmes » (§50), a-t-il relevé.
Lionel Azelokonon